Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/48

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L’aquajolo, sur son reposoir de bois, la tête encadrée au milieu des chapelets de citrons, débite à grands cris son eau à la neige et sa limonade. Le pêcheur qui a passé la nuit sur mer, le trident à la main, vocifère encore le jour pour vendre quelques poissons. Un marchand d’allumettes fait plus de bruit que si sa pacotille valait de l’or. Que de peine pour gagner de quoi traîner sa vie jusqu’au lendemain ! Et quand on s’est épuisé, quelle récompense trouve-t-on ? Un morceau de pain, un verre d’eau et la misère de la veille, fidèle à son poste ; mais on rit, on chante et on dort bien.

Une foule de pauvres diables, toujours aux aguets, prennent feu aussitôt qu’ils entrevoient la chance d’un gain chétif, cette chance fût-elle dénuée de toute probabilité. Un de mes amis achetait, chez un marchand de vieilleries, un poignard rouillé. En sortant de la boutique, son emplette à la main, il est abordé par un homme pétulant qui lui propose toutes sortes d’armes, de casques, de cuirasses, des hallebardes, en le suppliant de l’accompagner jusqu’au magasin où sont ces merveilles. Le signor français a beau assurer qu’il ne veut plus rien ; que, s’il en avait eu besoin, il aurait trouvé précisément des hallebardes à côté de son vieux poignard ; le courtier improvisé poursuit son discours avec une volubilité croissante. Enfin, voyant que son acheteur se dirige par hasard du côté du magasin d’armes, il le devance et court de toutes ses jambes. A cinquante pas de là, le Français aperçoit, en haut d’une maison, son courtier allongeant la moitié du corps en dehors d’une lucarne, le casque en tête, des épées et des dagues dans chaque main, frappant ces ferrailles entre elles et criant