Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/50

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là un jour de pluie, lorsqu’ils s’enveloppent comme ils peuvent de leurs fragments d’habits, de leurs cabans roussis par l’âge et le sel de la mer, la noblesse de ces figures, luttant contre les injures du sort, vous fera saigner le cœur. Ce dut être à Chiaja que le généreux Saint Martin, n’ayant plus d’argent à donner, partagea son manteau avec un lazzarone. C’est à cet endroit que le grand M. de Guise, échappant à la flotte espagnole dans une barquette, vint aborder, après la mort de Marsianello et que les pêcheurs, le prenant sur leurs épaules, le portèrent en triomphe au palais ducal. C’est de là aussi que partit cette population terrible qui faillit, sans armes et sans discipline, arrêter les troupes victorieuses de la république aux portes de la ville. Les femmes sont moins belles que leurs maris; mais elles ont, comme on dit, de la race. Elles se querellent comme des démons et s’arrachent les cheveux entre elles. Il faut croire que, dans le ménage, ce sont elles qui fournissent aux enfants les passions, tandis que le mari transmet à son fils la beauté du corps.

Vous ne connaîtrez pas encore Naples si vous ne sortez pas de ces quartiers qui se présentent les premiers devant vous. Laissez Tolède et la rivière de Chiaja pour vous enfoncer dans le vieux Naples. Entre la place du Castello et la poste aux lettres, tournez par une rue malpropre et encombrée : c’est là que vous attend le spectacle de la vieille ville dans toute son originalité. La foule est toujours compacte, comme dans un marché perpétuel. L’homme du peuple y passe au rôle de consommateur et de chaland. Que d’occasions de dépense on offre aux quatre baïocs qui dorment dans la poche