Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/65

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voleurs. Après une bonne fortune de rencontre, on se regarde comme le vainqueur de toutes les belles ; un autre, qui n’a pas eu de succès, sauve son amour-propre en disant que les dames de ce pays-là sont invincibles. Victor Jacquemont, le plus aimable des voyageurs, se moqua des tempêtes jusqu’au jour où l’Océan, irrité, le fit repentir de son insolence. Il nia aussi les bêtes féroces, jusqu’au moment où un tigre vint enlever un de ses domestiques, à deux pas de lui.

J’aurais été volontiers pour les faiseurs de paradoxes et je pensais déjà de Naples comme Jacquemont de l’Océan et des Indes. Un beau jour, on me vola deux mouchoirs en moins d’une heure dans la rue de Tolède. Je ne mis plus rien dans mes poches de derrière et je pardonnai à mes deux larrons à cause de leur adresse. Le 18 mars, dans la rue de Chiaja, on fustigea publiquement trois brigands nocturnes qui avaient assommé un passant la nuit précédente. On leur distribuait à chacun cent coups de bâton, comme avance sur le résultat de leur procès. Mon incrédulité commençait à s’ébranler. Peu de temps après, un homme charitable ayant averti un étranger qu’on lui volait son mouchoir, reçut un coup de couteau d’un second voleur qui lui reprocha de se mêler des affaires des autres et qui fit une retraite honorable à travers la foule, saisie de respect. Ma confiance diminuait sensiblement. Avant de partir pour la Sicile, j’appris qu’un Français venait d’être arrêté près de Taormine et absolument dépouillé. Si quelqu’un de mes compatriotes, fraîchement arrivé par le bateau de Marseille, m’avait vu alors armé d’une canne à épée, il