Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/66

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se serait probablement moqué de moi et, au bout d’un certain temps, je l’aurais retrouvé avec des pistolets dans ses poches. Pendant deux mois, le hasard ne me fit pas rencontrer la figure classique et surannée du cavalier servant. Il se présenta un matin, assis dans une barque à côté d’une grosse dame romaine et j’eus le loisir de lui voir jouer son rôle de femme de chambre aux petits soins. Mon ami, le Comte de M… partit un jour pour la chasse aux ours avec un guide, homme fort intéressant à écouter et qui, par suite de petits démêlés avec la justice, ne sortait pas volontiers des Abruzzes. Cet honnête chasseur avait trois homicides sur la conscience et les supportait patiemment. A Naples, il s’enveloppait de mystère ; mais une fois dans les montagnes, il parlait volontiers et se vantait de ses trois prouesses comme d’autant de coups de maître.

Dans tous les pays, les brigands sont encore assez rares et n’en rencontre pas qui veut ; aussi, je confesse que je n’aurais pas mis, à rechercher un archiprêtre, autant d’empressement qu’à me lier intimement avec notre ami le bandit des Abruzzes, dont je respecte trop les secrets pour vouloir les trahir. On m’a raconté que, sous le dernier roi de Naples, après quelques exécutions sévères, une amnistie avait été publiée, à la suite de laquelle des officiers convoquèrent les chefs de brigands à un banquet. Les invités se présentèrent et se mirent à table avec confiance. Au dessert, sur un signal donné, les troupes royales parurent et massacrèrent impitoyablement les convives. Ce fut un coup terrible pour le brigandage et dont il eut de la peine à se relever. Malgré tout