Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/76

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et, de cette façon, les chefs d’œuvre ne meurent pas absolument. En Italie, une mauvaise partition est couronnée et applaudie comme une merveille parce qu’elle est nouvelle, puis elle va rejoindre les autres dans l’abîme du néant. Les théâtres de musique n’ont point de répertoire. L’impresario met en répétition, pour l’hiver, une ou deux pièces les plus récentes et du maestro à la mode. Ces deux pièces font les frais de la saison entière. Elles durent autant que les feuilles des arbres. Recueillez les fruits du succès, pauvres auteurs, à Noël vous serez défunts. Il est vrai que le moment de la vogue a de grandes douceurs. On entend partout les motifs de l’opéra. Tout le monde les sait. On se pâme de plaisir en les fredonnant. On les propose pour sujet aux improvisateurs. La musique de régiment les apprend, en fait des sérénades pour la nuit, des aubades pour les grands personnages et le soldat marche au refrain de la cavatine. Tout cela meurt avec l’année. Une autre partition vient qui s’évanouit de même. A Paris on veut de la variété, en Italie du nouveau. A Gênes, c’était Maria di Rudenz, ouvrage broché par Donizetti exprès pour le théâtre Carlo-Felice. A Naples, on ne sortait pas de la Linda de Chamouni. Ne demandez pas, dans ce pays-là, ce que c’est que Mozart : on ne le connaît pas même de nom. On sait qu’il a existé un homme appelé Cimarosa dont les pièces ont eu du succès en leur temps. Sans le Stabat Mater, Rossini s’en irait à tire d’aile se ranger où est Gluck en France. Othello, le Barbier de Séville, nous diraient les Napolitains, comment pouvez-vous écouter encore ces vieilleries !

Selon mon goût, Mme Tadolini n’est pas une cantatrice