Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/79

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françaises. Vous ne voyez que M. Scribe traduit en Italien et joué avec cette volubilité involontaire qui sied aux pièces de ce genre comme des fioritures à la musique de Rameau. L’affiche, toujours emphatique, annonce le Verre d’eau comme l’ouvrage le plus accrédité de la littérature moderne. Pour un Français qui a vu tout cela bien joué à Paris, ces traductions composent le spectacle le moins attrayant qui se puisse représenter. Mais descendez des grands théâtres aux petits, à ceux d’un ordre trop infime pour être assujettis à une surveillance extrême, vous y retrouverez la véritable comédie nationale qui s’alimente de l’à-propos, des travers du moment et qui donne souvent, dans son petit cercle, des conseils utiles au peuple qui la soutient et l’applaudit.

Sur la place du Castello, en face des canons braqués à travers les grilles sur le passant, vous verrez une maison de pauvre apparence et que vous ne prendriez jamais pour un théâtre. L’entrée ressemble fort à celle d’un méchant cabaret. Un corridor bas et tortueux vous mène, par une pente rapide, dans un souterrain où est la salle de spectacle, étroite mais propre et bien éclairée. Vous êtes à San Carlino. A deux pas de là, sur la même place, est une autre taverne de même figure appelée le théâtre de la Fenice. Dans ces deux petits bouges se sont réfugiés l’ancienne verve comique dont l’Italie ne perdra jamais le génie, les pièces de circonstance, les reproductions de ridicules connus et de types populaires, les discours au public comme du temps de Scaramouche ou de Gros-Guillaume. C’est là que le fameux Lablache a commencé sa carrière dramatique ; on s’en souvient encore à Naples.