Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/80

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La troupe de San-Carlino se compose d’une douzaine d’acteurs excellents, francs Napolitains pour les grimaces, la vivacité, les gestes expressifs, la force du gosier, la facilité d’improvisation; ils s’entendent ensemble comme des larrons et enlèvent un succès comme une muscade. Dans toutes les pièces on retrouve constamment les quatre rôles classiques : Pancrace, Polichinelle, le bègue portant des lunettes énormes et la vieille donna Pangrazia, toujours persuadée que les jeunes gens l’adorent. A ces quatre personnages appartient le privilège de faire rire le parterre. Ils parlent le dialecte napolitain, tandis que les autres rôles varient selon les pièces et sont écrits ordinairement en Italien. Le vieux don Pancrace représente la naïveté, la bonhomie, la bêtise crédule et Polichinelle la fourberie, la gourmandise, la poltronnerie, tous les instincts grossiers et matériels. Quand le vieux bègue aux larges lunettes n’est pas le compère de Pancrace, comme l’Orgon français est l’ami de Géronte, il joue les tabellions, les baillis ou les commissaires de police. Le caractère de la vieille est celui de Pancrace, augmenté des faiblesses du beau sexe. Souvent ces quatre rôles déroulent entre eux une intrigue comique, entée sur une autre plus sérieuse. Dans les pièces toutes da ridere, le fond du sujet repose sur eux. L’affiche annonce la double intrigue par un double titre. Don Pancrace et son compère le bègue portent la culotte noire et la perruque plate à queue et sans poudre. Le Polichinelle n’est pas, comme celui des marionnettes, un bossu vêtu de l’habit de clinquant. Il n’a pas de difformité. Son costume se compose d’une camisole et d’un large pantalon de toile blanche,