Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/88

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une comédie intitulée Après Vingt-sept Ans. Altavilla s’empara de la donnée qu’il transforma en bouffonnerie. Pangrazio a été pris par des corsaires et retourne à Naples après vingt-sept ans d’absence. Tout est bouleversé dans sa famille. Il y rapporte les habitudes et le langage de son temps et on se moque de lui. On feint de ne plus comprendre le dialecte napolitain. Donna Pangrazia parle français. Les enfants ne savent qu’à moitié l’Italien. Le service de la maison se fait à l’anglaise. Lorsque le bonhomme demande le plat national de macaroni, on lui présente une tasse de thé. Sa bru le critique et le reprend à tout propos. Il découvre un complot de femmes de chambre pour lui voler son argenterie. Un aventurier a séduit sa petite-fille et doit l’enlever pendant la nuit. Pancrace est réduit à demander une audience à ses enfants, tandis que sa femme et sa bru sont sorties, et il leur expose ses griefs en termes risibles et touchants. J’ai cru un moment que cette scène allait devenir sublime. Entre les mains de Molière elle n’y eût pas manqué. Malheureusement, Altavilla, toujours pressé par le temps, ne fait que des ébauches et passe aussi légèrement sur une belle situation que sur une farce de tréteaux. Le désespoir paternel du pauvre Pangrazio, quoique trop bref, me causa une émotion très vive, car il n’y a rien de plus doux que le mélange du comique et de la sensibilité. Les Italiens n’usent pas assez de cet alliage précieux qui est une des particularités de leur esprit et le plus favorable à la bonne comédie. L’humour anglais, que Shakespeare manie avec tant de force, n’a pas le même charme à cause du levain amer que l’ironie apporte toujours dans la combinaison. Dans la bouche de