Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/89

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Hamlet, elle serre le cœur péniblement ; dans celle de Falstaff, elle amuse l’imagination et provoque ce gros rire qui fait trembler les larges pectoraux des marchands de la Cité de Londres. Le bonhomme Pancrace vous procure une émotion plus agréable lorsqu’il excite à la fois le rire et l’attendrissement. Parmi les sérénades qu’on fait chanter au Polichinelle sous les fenêtres de sa maîtresse, une phrase sentimentale et imprévue, mêlée aux lazzis, vous touche souvent plus que si elle venait d’un personnage plus sérieux.

De rares éclairs tragiques se font jour, par moment, au milieu des farces napolitaines. Ils partent ordinairement de la jalousie ; cette passion aveugle étant l’endroit sensible du public, on tremble et on s’apitoie aussitôt qu’elle entre en scène. Dans la petite pièce du Marito Jaloso, l’exposition montre la femme d’un pêcheur attendant le retour de son mari. Le macaroni fume sur la table et la fiasque est emplie de vin. La jeune femme s’ennuie de la solitude, mais elle n’ose aller chez ses voisines, car le mari est si jaloux qu’il pourrait la tuer sur un soupçon. Un orage gronde et l’inquiétude la chasse enfin du logis. Elle court au rivage pour regarder si la barque revient. Pendant ce temps-là, un soldat suisse, complètement ivre, passe devant la maison et, trouvant la porte ouverte, il entre, se croit dans une osteria et appelle le garçon. Le souper est servi à point nommé. Il mange le macaroni, vide le flacon de vin, se couche sur le lit et s’endort. Cependant le mari arrive sans avoir rencontré sa femme. Le désordre qu’il voit chez lui est bien fait pour l’étonner. Aussitôt la jalousie le prend aux cheveux. Il jure de se venger sur les deux coupables