Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/90

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et attend le retour de sa femme, le couteau à la main. A Paris, nous aurions ri de sa colère ; à Naples, l’auditoire frissonna de terreur car on savait de quoi le pêcheur jaloux était capable. Heureusement un dialogue comique vint dissiper cette velléité de tragédie. L’énergie toute napolitaine de la jeune femme la tire d’embarras d’une façon inattendue :

— Que tu es sot, dit-elle à son mari : si j’avais un amoureux, est-ce que je lui donnerais ton souper ? Est-ce que je le griserais pour le mettre sur ton lit à l’heure où tu dois rentrer ? Quand je voudrai te tromper, je te boucherai les yeux avec du mastic car tu es un lourdaud et je suis plus fine que toi. Allons, mets ton couteau dans ta poche puisqu’il n’y a plus rien à manger. Je comprends pourquoi tu as été si maladroit quand tu as fait la cour à la voisine.

Le mari, étourdi par cette assurance et cette bonne logique, reste coi et indécis. Le Suisse s’éveille, fort surpris de se trouver chez des inconnus et achève de disculper son hôtesse. Tout s’arrange pour le mieux ; le pêcheur demande humblement pardon à sa moitié qui le gronde avec tant de vigueur qu’on ne sait plus si la leçon est adressée à la jalousie des maris ou à la raideur du caractère des femmes.

Lorsqu’une idée fantastique se présente à l’esprit d’Altavilla, le public napolitain l’admet sans difficulté. Dans la pièce du Medico e la Morte, Polichinelle s’est fait médecin et comme, dans ce métier, il rend à la Mort d’éclatants services, elle veut lui en témoigner sa reconnaissance en lui procurant de la réputation et de l’argent.