Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/91

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— Quand tu entreras dans la chambre d’un malade, lui dit-elle, regarde sous le lit et si tu vois ma figure, c’est signe que je veux emporter ma proie. Tu m’aideras de ton mieux, comme par le passé en administrant des potions et des remèdes ; mais, afin qu’on te prenne pour un habile homme, tu condamneras le sujet en assurant que son mal est mortel. Si au contraire tu ne me vois pas sous le lit, c’est que je ne me soucie pas encore du malade et que son heure n’est point sonnée. Alors ne t’avises pas de médicamenter, ni de lui envoyer le chirurgien, car tu m’obligerais peut-être, malgré moi, à le venir enlever. Donne-lui de l’eau claire et prends tes remèdes à la locanda. Avec des mots latins et de grandes phrases, tu éblouiras les sots et tu feras des cures merveilleuses.

Polichinelle profite admirablement de ce traité d’association. On l’appelle pour un couvreur tombé du haut de la cathédrale. La mort ne se soucie guère de ce pauvre diable et le docteur guérit son homme avec un plat de macaroni. Un grand seigneur, légèrement indisposé est saisi de frayeur et a recours au célèbre médecin qui aperçoit la Mort, impatiente de charger le fardeau sur ses épaules. Quoique le mal ne semble pas grave, Polichinelle le déclare incurable. Il gorge son patient de drogues et met en marche tout le corps d’armée de la pharmacie. L’homme expire, accablé de soins et entouré de fioles infernales. Les héritiers payent généreusement l’habile docteur, la Mort saisit sa victime et tout le monde est satisfait.

Pour donner à son associé un spectacle intéressant, la Mort le conduit dans un endroit où sont de