Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/92

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petites flammes qui représentent les âmes des personnes vivantes. C’est par ce tableau des habitants de la terre qu’elle juge des gens dont la fin approcha et des portes où il convient d’aller frapper.

— Quelle est, demande Polichinelle, cette belle flamme qui brille si fort ?

— C’est, répond la Mort, l’âme d’un facchino de Chiaja qui n’a pas de souliers ; le coquin se moque de moi.

— Et celle-ci qui paraît prête à s’éteindre et vacille comme une bougie de Noël ?

— C’est l’âme d’un pauvre homme laborieux qui s’épuise à un métier pénible et nourrit sa famille à force de se démener.

— Aïe ! s’écrie Polichinelle, dov’esser un comico di San-Carlino (ce doit-être un comédien de San-Carlino)

Le public napolitain, beaucoup plus complaisant que celui de Paris, admet tout ce qu’on veut, pourvu que la pièce soit amusante ; il n’a point, comme nous, une horreur particulière du fanatique et ne creuse pas, par l’habitude, ces ornières profondes où se traînent nos théâtres et qui mènent tout droit à l’ennui. Nous nous prêterons à cent absurdités, puisées dans la vie réelle, et nous opposerons, à une idée originale et gaie, un faux bon sens têtu et une indocilité misérable d’imagination au lieu de faire, à l’amiable, une convention avec l’auteur. C’est que notre désir est bien moins de nous amuser que de nous donner de l’importance, d’exprimer une opinion et de lancer des arrêts, tandis que le seul but du spectateur italien est de jouir.

Pour juger combien il y a de force et de vie dans