Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/110

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Ses cheveux ondoyans, à grosses boucles d’or,
Tombant negligemment, l’embellissent encor.
Son front paroist orné d’un grand bonnet d’hermine,
Dont l’extrême blancheur, sert à sa bonne mine :
Une masse d’heron, d’un noir asprement noir,
Augmente encor le blanc, que l’hermine fait voir.
Elle a de peau de tigre, une robe volante,
Qui bien que fort sauvage, est pourtant fort galante,
L’agraphe la retrousse, et fait qu’on voit au jour,
Ses brodequins doublez de la peau d’un vautour.
Son carquois est fait d’herbe, et son arc de baleine ;
Une escharpe de jonc, jusqu’à terre luy traisne,
Qui suspend son espée, et qui mesle un beau vert,
A ce blanc moucheté, dont son corps est couvert.
La blancheur de ses bras, à l’hermine opposée,
Y trouve un nouveau lustre, et s’en rend plus prisée :
Et celle de son teint, malgré son incarnat,
Pourroit noircir un cygne, aupres de son esclat.
Tous ses traits sont fort beaux, et sa taille est fort belle :
Elle marche d’un pas, digne d’une immortelle :
Et l’on voit dans son air, superbe comme il est,
Je ne sçay quoy de fier, qui fait craindre et qui plaist.
La belle est à costé d’un Lapon de son âge,
Mais Lapon de l’habit, et non pas du visage :
Car bien loin d’estre blanc, et d’estre fait ainsi,
Son teint est assez brun, et ses cheveux aussi.
Sa mine est haute et noble, et ses yeux pleins de flâme,
Faisant voir clairement la grandeur de son ame,