Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/272

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La fureur de la vague, en heurtant les rochers,
Estonne d’autant plus les malheureux nochers.
De mesme dans l’enfer, apres un tel silence,
Les plaintes des damnez ont plus de violence :
Et la suspension de ces tristes esprits,
Semble avoir redoublé leurs douleurs et leurs cris.
Cependant Belzebuth, plein d’ayse et de furie,
Sous l’ombre de la nuit vole vers l’Iberie :
Et devant que le jour ramene la clarté,
Il voit de l’Espagnol les bords et la fierté.
Il y trouve Rigilde ; il l’anime ; il l’excite ;
A l’important dessein sa voix le solicite :
Et prenant des habits tels qu’on en voit sur l’eau,
Ils feignent qu’un naufrage a brisé leur vaisseau.
Ils disent à ce peuple, en concertant leur feinte,
Afin de les armer par l’excés de la crainte,
Qu’ils ont veu dans les ports de la grande Albion,
Une estrange, sauvage, et fiere nation,
Qui vient fondre en Espagne, et qui veut par ses armes,
La remplir de desordre, et de sang, et de larmes.
O peuples, dit Rigilde, armez-vous, armez-vous :
Vostre estat se va perdre, et vous perirez tous :
Si par une valeur, digne de vostre estime,
Vous ne leur opposez un effort legitime.
Ces barbares cruels, qui n’ont aucune loy,
Ne connoissent honneur, raison, pitié, ny foy :
Ils sont l’horreur du ciel, et du siecle où nous sommes :
Ils brisent les autels ; ils devorent les hommes ;