Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/343

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prenant au ciel de son cruel destin,
Amalasonthe voit les murs de Constantin.
Le changement de lieux n’a point changé son ame :
Au Bosphore de Thrace elle est encor en flâme :
Et le noble despit qui forma son dessein,
Brille encor en ses yeux comme il brusle en son sein.
Tout se presse pour voir cette illustre guerriere,
Aussi triste que belle, aussi belle que fiere :
Mais l’habit estranger qu’on luy voit en ces lieux,
Fait moins par son esclat que l’esclat de ses yeux.
Comme lors que la nuit une comette ardente,
Fait luire parmy l’air sa clarté menaçante,
Chacun est attentif à cette nouveauté,
Tout le monde observant sa fatale beauté.
De mesme tout le monde observe l’estrangere :
Chacun court pour la voir ; chacun la considere ;
Et son brillant esclat, et sa noble fierté,
Menacent plus d’un cœur d’estre sans liberté.
Mais pour ses tristes yeux, cette ville à des charmes :
Elle y voit cent vaisseaux ; elle y voit tout en armes ;
Mille et mille guerriers estans desja tous prests,
On diroit que la Grece est dans ses interests.
Ses yeux brillent alors de leur splendeur premiere :
Ce bel astre du Nord redouble sa lumiere :
Et les Grecs esbloüis de sa vive splendeur,
Sentent qu’un si grand feu n’est jamais sans ardeur.
Eutrope, general de l’aigle imperiale,
Voit, admire, et cherit la beauté martiale :