Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/359

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Mais enfin la fortune en decidant leur sort,
Fait triompher Valere, et le rend le plus fort.
En vain le fier Canut s’oppose à sa victoire,
Il ne peut arrester, ny ses pas, ny sa gloire :
Tout court, tout fuit, tout cede en cette occasion :
Et partout est la mort, et la confusion.
Le sang coule à grands flots sur la campagne humide :
Le plus brave des Goths paroist alors timide :
Et Canut emporté par sa troupe qui fuit,
Laisse enfin le champ libre au Romain qui le suit.
Comme on voit dans les prez un taureau plein de rage,
Ceder manque de force, et non pas de courage :
Se tourner à tous coups, et d’un front menaçant,
Monstrer à son rival son superbe croissant.
Ainsi le fier Canut que le despit devore,
S’arreste à chaque pas, et se retourne encore :
Fuit, et frappe en fuyant, et monstre tant de cœur,
Que par là ce vaincu s’esgale à son vainqueur.
Mais le grand Alaric que la rumeur apelle,
Vient ravir à Valere une palme si belle :
Il marche, il court, il vole, et l’immortel heros,
Change seul le destin des Romains et des Goths.
Il charge ces premiers avec une furie,
Qu’à peine soustiendroit tout l’effort d’Hesperie :
Et chaque coup qui part de sa vaillante main,
Vange la mort d’un Goth par la mort d’un Romain.
Il met tout en desroute ; et Valere luy-mesme,
Est contraint de ceder à sa valeur extrême :