Page:De Scudery - Eudoxe, tragi-comédie, 1641.djvu/10

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Rome a vu ma naissance, et par mes destinées, [55]

Constantinople a vu mes premières années,

Là je suivis mon maître, étant enfant d'honneur,

Dirai-je pour ma perte, ou bien pour mon bonheur ?

Olimbre aux mêmes lieux suivit le même maître ;

Le ciel nous fit aimer en nous faisant connaître ; [60]

Notre sainte amitié commença lors un cours,

Qui ne saurait finir qu'en la fin de nos jours ;

Et dans les mêmes lieux, la suprême puissance,

(Ô courtois africain) fit notre connaissance :

L'empereur Théodose, accablé de langueur, [65]

Et poussé d'un désir qu'il cachait en son cœur,

Obtient d'Honorius, dans le mal qui le presse,

Que Valentinian fasse un voyage en Grèce :

L'empereur d'occident, afin de l'obliger,

Consent à ce départ, consent à s'affliger ; [70]

Et dans le port d'Ostie, avec beaucoup de peine,

Il quitte son neveu sur la mer incertaine,

Où le vent favorable, et qui le fut toujours,

Nous mit dans le Bosphore en moins de quinze jours.

Je ne vous dirai point avec quelle allégresse [75]

Ce prince fut reçu des peuples de la Grece,

Ni comme l'empereur qui s'en allait finir,

À notre heureux abord, sembla se rajeunir ;

Vous ne l'ignorez pas ; et ma seule infortune,

Dont le triste récit n'a rien qui n'importune, [80]

Ne me fournit que trop, et de quoi discourir,

Et de quoi n'être plus, si je pouvais mourir :