Page:De Scudery - Eudoxe, tragi-comédie, 1641.djvu/107

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Madame, c'est assez, et la raison s'irrite,

De voir que vous m'aimez plus que je ne mérite,

Et que pour un sujet, et que pour un vassal,

Vous descendez du trône, et le traitez d'égal. [1755]

Oui, vous êtes trop bonne, et lui trop temeraire ;

Vous le deviez punir, quand il osa vous plaire ;

Un juste châtiment nous eut pû garantir,

Vous d'un malheur si grand, et moi d'un repentir.

Mais puisque le passé jamais ne se rappelle, [1760]

Faites que l'avenir, vous trouve moins rebelle ;

Obéissez au sort, qui fait tout obéir ;

Et n'aimez plus un coeur, que vous devez haïr.

Oui vous devez haïr dans ce malheur extrême,

Celui que le ciel haït, et qui se haït soi-même, [1765]

Mais qui dans la douleur dont il ressent les coups,

Haissant et haï, n'aime pourtant que vous.

Que votre majesté (s'il lui plaît) me pardonne :

Je me punis assez du conseil que je donne ;

Je me fais plus de mal, que le sort ne m'en fait, [1770]

Et je donne un conseil, dont ma mort est l'effet.

Mais quoi je ne saurais vous souffrir davantage,

En cet engagement, et vous voir à Carthage.

Quittez, quittez Ursace, et recevez le roi :

Il est, il est plus grand, et plus heureux que moi ; [1775]

Si vous portez un sceptre, il porte une couronne ;

La misère me suit, la splendeur l'environne ;

Bien qu'il ait moins d'amour, il a plus de pouvoir,

Et je cède par force, ou plutôt par devoir.