Car ces murs tous noircis, où la flamme est éteinte, [1780]
Par leur affreux aspect, renouvellent ma crainte.
Ils me font souvenir des désordres passés,
Et vous disent pour moi, madame, c'est assez.
Ne vous engagez plus dans ma triste aventure ;
Ne vous exposez plus aux tourments que j'endure ; [1785]
Vivez, vivez contente, et me laissez mourir,
Et pour vous rendre libre, et pour me secourir.
Ainsi jamais le sort, n'ébranle votre gloire,
Et puisse un malheureux, vivre en votre mémoire ;
C'est l'unique bonheur qu'il ose désirer, [1790]
Si sans excès d'orgueil, il y peut aspirer.
Hélas la voix me manque, en cet état funeste ;
Mais le cours de mes pleurs, vous dira bien le reste ;
Oui lisez dans mes yeux, et la rigueur du sort,
Et la force d'amour, et l'arrêt de ma mort. [1795]
Ursace un tel discours me surprend davantage,
Que n'ont fait tous les maux qu'on m'a fait à Carthage.
Je ne l'attendais pas d'un coeur si généreux,
D'un coeur si magnanime, et d'un coeur amoureux.
Quoi vous m'abandonnez ! Et votre âme est capable [1800]
De former un dessein, qui la rend si coupable !
Vous pouvez seulement en avoir le penser !
Vous pouvez l'avoir dit, vous pouvez m'offenser !