Page:De Scudery - Eudoxe, tragi-comédie, 1641.djvu/15

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Eurent bien combattu dans mon âme offensée,

Enfin le désespoir exprima ma pensée.

Quoy (lui dis-je) madame, ainsi vous me quittez,

Et vous m'allez punir de mes témérités ? [170]

Mais bien que je reçoive une sensible injure,

Non, non, ne craignez pas le titre de parjure ;

Je lis dedans vos yeux la peur que vous avez,

Je n'en parlerai point, puisque vous le savez,

Et dans quelque douleur que mon âme s'abîme, [175]

Je dirai qu'elle est juste, en punissant mon crime ;

Que ma présomption mérite un châtiment ;

Elle fut infinie, et tel est mon tourment :

Je souffre des douleurs que je ne saurais dire ;

Mille bourreaux secrets commencent mon martyre ; [180]

Mon cœur est déchiré ; la tristesse et l'horreur,

Le désespoir, la mort, la rage, et la fureur,

Tout cela m'environne, et tout cela s'approche ;

Mais je les recevrai sans vous faire un reproche ;

Toujours, toujours l'amour gardera son pouvoir, [185]

Et me tiendra toujours aux termes du devoir.

Je ne vous dirai point, qu'en brûlant de ses flammes,

L'amour malgré le sort peut égaler les âmes ;

Et que s'il agit bien sur deux esprits troublés,

Le sceptre et la houlette en seront assemblés. [190]

Je ne vous dirai point, que suivant la nature,

Ceux qui veulent aimer la vertu toute pure,

Ne considèrent pas, après ce rare objet,

Si celui qui la montre, est monarque, ou sujet.