C'est un renversement que l'on a vu cent fois,
Et qu'on peut voir encor ; mais ils sont toujours rois.
Ne vous suffit-il pas de me tenir captive ?
De me faire languir sur une étrange rive ?
Et loin des bords du Tibre, où j'ai regné longtemps, [765]
Empêcher le secours de la mort que j'attends ?
Voulez-vous m'offenser, voulez-vous qu'on vous blâme.
Voulez-vous que les fers, opriment jusqu'à l'âme ?
Voulez-vous me contraindre à chérir aujourd'hui,
L'auteur de ma prison, l'auteur de mon ennui ? [770]
Qu'à d'injustes désirs, je devienne sensible ?
Ha seigneur c'est vouloir une chose impossible ;
C'est ce qui ne peut être, et croyez désormais,
Que cette volonté ne me prendra jamais.
En l'état où je suis, en l'état où vous êtes, [775]
Beaucoup accepteraient l'offre que vous me faites,
Beaucoup ayant prié, vous auraient entendu,
Afin de remonter sur un trône perdu :
Mais tant de maux soufferts, m'ont bien ôté l'envie,
Et du trône, et du sceptre, et même de la vie : [780]
Tout m'est indifférent, ou pour dire encor mieux,
Tout m'est insupportable, et tout m'est odieux :
Il n'est grandeur royale, il n'est rang, ni puissance,
Honneur, respect, devoir, service, obéissance,
Amour, contentement, félicité, plaisir, [785]
Qui puisse me toucher de l'ombre d'un désir.