Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/144

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fait un banquet de cette nature ; les Sauvages leur répondirent qu’il y avait de cela deux lunes, montrant la lune, puis deux de leurs doigts ; et que leur grand Roi avait deux cents prisonniers de guerre qu’on engraissait pour le prochain festin. Nos hommes parurent excessivement désireux de voir ces prisonniers ; mais les autres, se méprenant, s’imaginèrent qu’ils désiraient qu’on leur en donnât pour les emmener et les manger, et leur firent entendre, en indiquant d’abord le soleil couchant, puis le levant, que le lendemain matin au lever du soleil ils leur en amèneraient quelques-uns. En conséquence, le matin suivant ils amenèrent cinq femmes et onze hommes, — et les leur donnèrent pour les transporter avec eux, — comme on conduirait des vaches et des bœufs à un port de mer pour ravitailler un vaisseau.

Tout brutaux et barbares que ces vauriens se fussent montrés chez eux, leur cœur se souleva à cette vue, et ils ne surent que résoudre : refuser les prisonniers c’eût été un affront sanglant pour la nation sauvage qui les leur offrait ; mais qu’en faire, ils ne le savaient. Cependant après quelques débats ils se déterminèrent à les accepter, et ils donnèrent en retour aux Sauvages qui les leur avaient amenés une de leurs hachettes, une vieille clef, un couteau et six ou sept de leurs balles : bien qu’ils en ignorassent l’usage, ils en semblèrent extrêmement satisfaits ; puis, les Sauvages ayant lié sur le dos les mains des pauvres créatures, ils les traînèrent dans le canot.

Les Anglais furent obligés de partir aussitôt après les avoir reçus, car ceux qui leur avaient fait ce noble présent se seraient, sans aucun doute, attendus à ce que le lendemain matin, ils se missent à l’œuvre sur ces captifs, à ce qu’ils en tuassent deux ou trois et peut-être à ce qu’ils les invitassent à partager leur repas.

Mais, ayant pris congé des Sauvages avec tout le respect