Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/211

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en temps contre le plancher, je ne suis pas contente de vous, et je viens me plaindre. —Qu’ai—je pu faire, chère sœur, qui vous déplaise ? — Vous oubliez vos proches parents, vous leur faites tort. — Mais en quoi ? — Vous faites pleuvoir toutes les grâces sur une seule personne, mon frère, et vous oubliez, vous rejetez même loin de vous ceux qui vous touchent de plus près. C’est bien mal assurément. » Le pape se préparait à faire une nouvelle objection à sa sœur ; mais celle-ci l’interrompant : « Oui ! c’était une chose qui me revenait de droit, et vous l’avez donnée à une autre ! — Mais quelle chose, chère sœur ? — Une femme qui regorge de biens, qui est à même de se procurer tout ce qu’elle souhaite, qui pourrait acheter le monde entier ! Eh bien ! c’est à celle-là que vous donnez ! Et la servante de Dieu, une pauvre vieille religieuse, votre véritable sœur en Dieu et sur la terre, vous lui ôtez ce qui lui revient ! — Mais, bonne sœur Agathe, pensez donc... — Encore, continua la vieille, si cette femme avait fait don de ce trésor à quelqu’un de ses enfants, notre famille en aurait profité. Mais point du tout ; elle en dispose pour faire la gloire et l’ornement de la maison du marquis André Maldachini ; c’est à son frère qu’elle donne ce que vous lui avez donné ; c’est à Viterbe qu’elle envoie ce qui n’aurait jamais dû sortir de Rome ni de l’église de Sainte-Agnèse. Ah ! mon frère ! mon frère ! c’est une action abominable de la part de cette femme... et c’est une chose répréhensible que vous lui permettiez de prendre tout !... »

La bonne vieille continua encore assez longtemps sur ce ton, en présence du pape et de Pancirole, qui, faits aux sorties violentes de la religieuse, attendirent silencieusement que sa colère s’épuisât avec ses forces. Un accès de toux produisit ce résultat, ou au moins la força de s’asseoir et de se taire pendant quelques minutes.

Mais pour comprendre le sujet de la requête et de la fureur de sœur Agathe, il faut que l’on sache que sur la place Navone, près du palais Pamphile, est l’église de Sainte-Agnèse, de fondation fort ancienne, mais que le pape Innocent X a fait reconstruire sur un nouveau plan. Dans l’an-