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cien édifice se trouvaient les restes de la bienheureuse sainte Françoise de Rome, morte depuis deux siècles, et lorsque l’on fouilla pour élever les constructions nouvelles, on exhuma le corps de la sainte, dont le pape fit extraire une portion, l’épaule, afin de la conserver comme relique. L’exhumation s’était faite en grande pompe le 9 mars, jour de la fête de la bienheureuse, et à la suite de cette cérémonie le sénat de Rome avait donné dans le Capitole un splendide banquet à dona Olimpia Maldachini, auquel furent invitées la sœur Agathe, les filles de dona Olimpia, et toutes les dames de distinction de la parenté et de la connaissance du pape, à qui les consuls, les sénateurs et les grands de Rome s’empressèrent de faire les honneurs.

Le résultat total de cet événement avait été de faire naître dans l’esprit de sœur Agathe et de dona Olimpia une envie démesurée de posséder l’épaule de la sainte ; l’une pour en faire la propriété et la richesse de son couvent ; l’autre, dona Olimpia, dans le dessein d’en doter l’église de Saint-Martin, petite principauté près de Viterbe, possédée par son frère, dont l’âge avancé lui donnait l’espérance de devenir bientôt héritière.

La religieuse avait bien en effet la priorité pour la demande de la relique ; mais, de son côté, la belle-sœur du pontife, presque aussi prompte à présenter sa requête, n’avait pas manqué de profiter de la prédilection que lui portait le pape pour surprendre une faveur qui se confondait au milieu de tant d’autres bien plus importantes. Dona Olimpia, une fois possesseur de l’épaule, s’était empressée de la faire tenir au marquis André Maldachini, son frère, pour qu’il la plaçât dans l’église de Saint-Martin.

Il n’était pas rare alors, puisque cela se voit encore aujourd’hui, que la célébrité et le profit qu’espéraient tirer les fabriques et les couvents de la possession de reliques saintes, ne fissent naître des haines profondes entre ceux qui se disputaient ces trésors ; et dans l’occasion présente, dona Olimpia avait excité au dernier point la jalousie de sœur Agathe, dont l’amour-propre s’était trouvé fort désagréablement froissé lorsque son couvent se vit forcé de renoncer à