Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/231

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trera en négociation préparatoire sans avoir le droit de rien résoudre, à moins qu’il ne vous ait consulté ; dans les transactions journalières, il mettra, selon le besoin, plus de netteté ou d’incertitude, de manière à vous laisser la faculté de temporiser, de refuser même, si le cas échéait, sans que votre personne sacrée soit en jeu. Placé immédiatement sous vos yeux et sous l’inspection de ceux qui composent votre conseil, le cardinal patron ne pourra que difficilement s’écarter des limites que lui imposent ses fonctions, et enfin, à cause de sa qualité de grand fonctionnaire reconnu, vous pourrez sévir contre lui s’il tombe en faute. Outre les avantages que je viens d’indiquer, ajouta Pancirole, un cardinal patron vraiment capable soulagerait singulièrement votre sainteté dans ses travaux ; il signerait les milliers de lettres que vous envoyez aux nonces, aux légats, aux gouverneurs de provinces ; il présiderait les nombreuses congrégations d’état, et vous éviterait la fatigue d’assister à de longues séances, dont le sommaire en vingt paroles vous suffit, toutes les fois qu’il n’y a pas de questions décisives à trancher. En somme, un cardinal patron expédierait journellement les affaires, représenterait sa sainteté à toutes les heures du jour, et ramènerait vers elle toutes les branches éparses de l’autorité dont elle doit être le tronc unique.

» Considérez maintenant, poursuivit Pancirole en abordant la partie la plus délicate de sa harangue, considérez, saint-père, comment avec des talents du premier ordre soutenus par une aptitude incroyable au travail ; comment avec une grande puissance de volonté que vivifie votre constante faveur, le ministre qui vous représente, qui vous remplace effectivement aujourd’hui, par cela seul que c’est une femme, ne peut exercer dans le gouvernement de l’état aucune action régulière. Or, en politique comme en tout, l’irrégularité engendre le désordre, et ce qui est désordonné tend à sa propre ruine. — Pancirole, observa le pape avec douceur, mais non sans inquiétude, il me semble que vous montrez bien de la sévérité. — Je vais la justifier par des preuves, saint-père, répliqua le ministre, et entre autres je choisirai celle-ci ; c’est par l’effet seul de la volonté de madame votre belle-sœur que