Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/232

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le cardinal Cecchini, votre dataire, s’est vu réduire plus bas que le sous-dataire Mascambruno, qui depuis longtemps usurpe les fonctions de son supérieur. — Eh ! mon cher Pancirole, dit le pape, vous en savez bien la cause. Cecchini est un homme éclairé et probe sans doute, mais sa rigueur inflexible ralentit le cours de toutes les affaires, et Mascambruno en expédie plus en un jour que le dataire en six mois. — D’accord, et ce n’est pas le moment de discuter la certitude des avantages que l’on tire de cette célérité ; mais, au résultat, si le sous-dataire Mascambruno remplit mieux l’emploi de Cecchini, pourquoi ne le lui donne-t-on pas tout simplement ? Pourquoi rendre le dataire responsable des actes de son lieutenant ; et si le sous-dataire a en effet les mérites qu’on lui attribue, pourquoi ne pas lui en laisser tout l’honneur ? C’est une injustice en fait de gouvernement, et d’un moment à l’autre il pourrait encore en résulter un très-grand désordre en administration. Je suis persuadé, saint-père, que vous êtes intimement convaincu de l’existence de ce désordre ; mais vous n’êtes pas en position de le réprimer ; ce que vous pourriez faire du jour au lendemain, si vous aviez pour premier ministre, pour cardinal patron, un jeune homme probe, rompu aux affaires et docile à votre volonté.

— Ainsi, vous pensez, dit le pape en parlant avec lenteur, comme quelqu’un qui combine avec peine des idées contraires, que ce qu’il y aurait de mieux à faire dans les circonstances présentes serait de créer un cardinal patron ? — Je ne suis pas éloigné de le croire. — La grande difficulté est de trouver un sujet digne à tous égards d’un tel poste. — Oui, sans doute. — Et nous n’avons pas été heureux jusqu’à présent dans nos choix, mon cher Pancirole, ajouta le pape en souriant avec tristesse. — Le ciel se montrera sans doute plus favorable cette fois, saint-père. — Enfin, puisque vous avez eu cette idée, peut-être avez-vous réfléchi aux moyens de la mettre à exécution ; avisez-vous quelqu’un qui pourrait nous convenir ? — J’avais pensé au cardinal Albergati. — Le frère du prince Ludovisi, mon petit-neveu ? Oh ! c’est un bien pauvre homme, et je ne le crois pas plus capable de régler les affaires politiques que les siennes. — Aimeriez-