Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/257

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le bas peuple en prenaient toujours occasion pour suspendre le cours des affaires, et remettre tout en question, comme il arrive dans les pays dont le souverain est électif. Inquiet sur la politique extérieure depuis le traité de Munster ; sans cesse menacé de voir éclater des révoltes dans Rome, à cause de la cherté des grains ; engagé dans d’énormes dépenses pour les constructions de la fontaine, du palais et de l’église de la place Navone ; mal avec tous ses parents, peu aimé et médiocrement servi par la plupart de ses officiers, le pontife se sentait accablé à l’idée qu’il n’avait de véritable soutien, de véritable ministre que Pancirole, mais encore sous la condition que dona Olimpia serait décidément éloignée des affaires ; et quoique le pape n’osât pas se l’avouer, c’était là réellement ce qui jetait le découragement et la douleur dans son âme. D’un autre côté, les talents remarquables, la probité politique et le grand âge de Pancirole, donnaient à cet homme, triomphant alors, une puissance d’autant plus grande qu’il ne manifestait ses espérances à la tiare que par des actes qui tous concouraient à en conserver la dignité et à en purifier l’éclat. Personne ne pouvait blâmer l’ambition d’un homme qui se montrait habile en restant honnête, qui tout en soignant ses propres intérêts servait puissamment ceux du saint-siége. Ce fut donc pour le ministre d’Innocent X l’instant de se préparer une solide candidature pour la vacance prochaine, que le grand âge et les infirmités du pontife régnant semblaient rendre imminente, et il ne pouvait se concilier plus sûrement les suffrages du peuple, de la noblesse et du sacré collège, qu’en arrachant le timon des affaires des mains de dona Olimpia. Il y travaillait depuis longtemps ; mais cette fois il s’apprêta à porter le dernier coup, et le hasard le servit.

Il y avait plus d’un mois que Pancirole pressait le pape, toujours disposé à remettre les affaires, d’ouvrir un consistoire, lorsque la vieille querelle du duc de Parme avec Urbain VIII s’étant réveillée, la tenue en devint indispensable. On convoqua les membres du sacré collège appelés à le composer ; et comme la question principale qui devait y être traitée était la vengeance de la mort d’un évêque, que l’on