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seigneur Fabio Chigi, revenu dernièrement de sa nonciature à Cologne, le camerlingue s’égayait comme à son ordinaire au sujet de dona Olimpia, qui, disait-il, allait présider le consistoire comme une sainte du fond de sa niche. « Ah ! ajouta-t-il, en modérant autant qu’il le pouvait les éclats de sa voix, j’en ai entendu de belles hier sur son compte ! et le peintre Salvator Rosa lui a fait une part dans sa satire de la Babylone, qui a mis tout l’auditoire dans une belle humeur ! C’est un morceau qu’il faut entendre, mon cher Fabio. On a quelque peine à être admis à ces séances. L’auteur exige la discrétion, et il se fait un asile sacré de son auditoire, en le composant de ceux même qui seraient le plus en position de lui nuire. Mais c’est le secret d’arlequin, car tout le monde en parle, ce qui enchante l’auteur, persuadé que ceux qui, en venant chez lui, lui donnent le droit de tout dire, n’auront pas le mauvais goût de le dénoncer. »

Fabio Chigi, naturellement grave et parlant peu, écoutait attentivement le cardinal Sforza, qui lui récita à l’oreille quelques vers de la satire, et intérieurement son grave confrère éprouva une assez vive satisfaction en apprenant que le règne de dona Olimpia semblait près de sa fin[1].

Cependant on entra dans la chambre du pape ; chacun prit place selon les égards de la politesse, plutôt que d’après la rigueur du cérémonial. Bientôt Pancirole exposa l’affaire principale sur laquelle on devait statuer. Sous le pontificat précédent, les neveux d’Urbain VIII, les Barberins, avaient fait d’immenses sacrifices en hommes et en argent, dans le dessein de s’emparer du duché de Castro et du comté de Ronciglione, appartenant aux ducs de Parme, pour les joindre aux états romains. Après de nombreuses attaques et une défense également acharnée, on en était venu à un arrangement, qui ne contenta aucune des parties. Innocent X en montant sur le trône consentit à faire la paix, après que le

  1. Dans la cinquième satire de Salvator Rosa, la Babylone, on lit ces vers.

    E l’Olimpie, le Clerie e le Vannochie
    Intente a mercantar i palli e diademi
    Ne’ sacrari pescar con le connochie.