Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/262

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l’exemple de la réforme ; et c’est à nous, oui, à nous à commencer ! Quand nous ferons bien, on nous imitera, n’est-ce pas monseigneur ? » demanda-t-il en riant au cardinal neveu, qui, par un signe des yeux, mais sans rien répondre, fit entendre qu’il y avait du vrai dans cette observation. « Soyez certain, ajouta Sforza en s’adressant à Astalli et à Pancirole, mais désirant d’être entendu du pontife, que tant que l’on ne dira pas la vérité bien haut, tant qu’on ne dira pas là est le mal, et parlant ainsi il indiqua le lieu où dona Olimpia se tenait cachée, c’est comme si on ne faisait rien. »

Tous les assistants restèrent confondus en entendant cette boutade ; et comme le silence commençait à devenir gênant pour tous, Sforza eut encore le courage de le rompre. « Puisque nous nous sommes comportés si vaillamment contre un ennemi extérieur, ajouta-t-il, en envoyant une armée pour le combattre, ne saurions-nous trouver des soldats et un capitaine pour nous débarrasser d’une ennemie intérieure qui nous fait plus de mal que le duc de Parme ? — Taisez-vous donc, dit tout bas Mascambruno au cardinal Sforza, elle est là ! — Je le sais bien ; c’est afin qu’elle m’entende que je parle si haut ! »

La glace était rompue ; Pancirole fut obligé d’intervenir. « Monseigneur le camerlingue, dit-il à Sforza, n’oubliez pas que sa sainteté est présente, ou si vous avez quelque plainte à faire, expliquez-vous nettement. » Ces mots firent naître la plus vive émotion dans le cœur des assistants, et l’on peut penser si dona Olimpia, du fond de sa retraite, s’apprêta à porter une oreille attentive à tout ce qui allait se dire. Sforza seul conserva son sang-froid ; et après avoir cru lire sur la physionomie de Pancirole et d’Astalli, que si la forme de ses discours avait pu les embarrasser, ils étaient assez disposés à en approuver le fond, avec sa franchise ordinaire, il s’exprima en ces termes : « Le saint-siége est devenu l’objet de reproches amers et des satires les plus infâmes ; c’est ce que chacun sait et répète. Jusqu’ici tous ceux qui ont débité ces reproches sous formes de plaisanteries ont entretenu la médisance et parfois la calomnie ; cependant non-seulement ces émules de Pasquin sont restés impunis à Rome, mais on les