Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/263

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écoute, on colporte même avec empressement leurs bons mots jusque dans les palais du Vatican ou du Quirinal ; seulement on le fait en cachette. On a pu croire que ces hardiesses furtives auraient un bon effet ; on s’est trompé, et je ferai l’essai d’un moyen contraire. Je veux vous donner connaissance de satires plus âcres que celles de Pasquin, et qui rendent journellement la sainte Église romaine un sujet de dérision à cinq cents lieues de la capitale du monde chrétien. Voici donc, il faut que vous le sachiez, les plaisanteries que l’on se permet à Londres sur le pontife romain, à Londres, où, vous ne l’ignorez pas, on juge à mort les rois. On a représenté devant Cromwell, pour divertir ses officiers, une comédie dont le titre est le Mariage du pape... »

À ces mots, un mouvement d’horreur se fit sentir dans toute l’assemblée ; mais le cardinal tint bon. « Vous le comprenez, ajouta-t-il, si vous aviez lu ce que je viens de rapporter sur la statue de Pasquin, vous auriez ri de pitié et seriez passés outre. Ici, où nous sommes, on y fera attention ; et je l’avoue, c’est ce que je désire ardemment, pénétré comme je le suis d’amour et de respect pour la sainte Église et pour son chef. Je m’abstiens cependant de donner les détails de cette turpitude dramatique, où la personne du pontife et les choses les plus saintes sont indignement travesties ; mais je me réserve d’indiquer à ceux qui croiraient nécessaire d’en prendre connaissance, et à ce moment Sforza regarda d’une manière significative Pancirole et Astalli, les Anglais catholiques, qui, entraînés par un zèle pieux, ont cru devoir dénoncer ces infamies. »

Le cardinal Sforza cessa de parler ; l’assemblée, immobile de stupeur, garda un silence absolu, et le pape demeura gisant comme s’il eût été foudroyé. La tête appuyée sur le dossier de son fauteuil, il tenait ses yeux vaguement dirigés vers le ciel, qu’il implorait sans doute. À la gauche de son siége, se tenait debout son ministre d’état, qui, sentant la nécessité de mettre un terme à cette scène fatigante pour tous ceux qui y assistaient, fit un signe à Astalli pour qu’il congédiât les membres du consistoire.

Innocent était à peine resté seul avec Pancirole et Astalli,