Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/264

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que dona Olimpia, pâle et dans une agitation extrême, s’élança de sa retraite et se jeta aux pieds du pape pour le secourir. Il se passa quelque temps avant qu’Innocent, revenant à lui comme d’un long sommeil, et après avoir regardé tour à tour les trois personnes qui l’environnaient, put dire à sa belle-sœur, avec un accent indicible d’étonnement et de reproche : « Eh quoi ! c’est vous ? »

Les soins que réclamait presque constamment l’état valétudinaire d’Innocent sauvaient parfois dona Olimpia des positions les plus embarrassantes. Elle eut recours à cette ressource, et se hâta d’apprêter et d’offrir au pape une boisson dont il faisait usage dans les instants de faiblesse. Innocent remercia poliment sa belle-sœur, en laissant deviner, par un mouvement qu’il fit pour voir qui était dans sa chambre, l’étonnement de la trouver vide. Bientôt succéda un moment de silence complet, pendant lequel le pontife s’étendit sur son siége, et passa ses mains sur ses yeux pour s’arracher à l’espèce de songe où il avait été plongé ; puis, reprenant enfin l’usage de son esprit, il se tourna vivement vers sa belle-sœur, et après l’avoir {{corr|envisagé|envisagée]] assez longtemps. — Vous sentez, madame, lui dit-il, qu’après ce qui vient de se passer, le parti qui reste à prendre n’est point douteux. » Cet arrêt prononcé, il se fit encore un assez long silence. Le pape espérait qu’on ne lui en demanderait pas davantage ; Astalli, et surtout Pancirole, voulaient quelque chose de plus décisif, tandis que dona Olimpia s’apprêtait déjà à profiter de ce qu’il y avait de vague dans les paroles d’Innocent, pour sauver ce qu’elle pourrait de la puissance qu’on allait lui ravir.

« En cette occasion, comme à toutes les époques de ma vie, saint-père, dit Olimpia, je suis prête à obéir à vos volontés. Décidez, ordonnez, et vous me verrez respectueusement soumise. Si dans ce moment j’ose élever la voix, ce n’est point dans l’espoir de vous faire changer de résolution, mais pour faire observer seulement qu’en cédant trop facilement à l’influence de calomnies absurdes, on risque de leur donner l’importance de la réalité. Que vous importe, je vous prie, ce qu’un peuple sauvage et hérétique peut penser et dire de vous ? Et n’est-ce pas augmenter l’orgueil des ennemis de