Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/275

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mais n’oubliez pas ce que vous avez annoncé publiquement. Quant à moi, je continuerai à mettre toute la discrétion possible dans les visites que je pourrai vous faire ; et à moins d’une indisposition nouvelle, ce dont Dieu puisse vous garder, ou d’un mot de votre main, je ne vous fatiguerai pas de ma présence.

— Non, non, dona Olimpia, s’écria le pape avec une impatience mêlée de chagrin, venez me voir... venez quelquefois... Écrivez-moi deux lignes, et je vous répondrai quand et comment je vous recevrai... Tenez, Olimpia, je ne saurais me passer de vous voir, de vous entendre... Mes idées restent toujours imparfaites quand je ne les ai pas mêlées avec les vôtres... Je ne puis penser, je ne puis résoudre seul. — Mais songez, Pamphile, que vous avez en Pancirole et en votre neveu deux conseillers infiniment supérieurs à moi. — Eh bien ! non, vous vous trompez, chère sœur ; le charme de votre conversation épure et mûrit tout ce qui vient dans mon esprit. Je l’avoue, et c’est sans doute une habitude que le temps a produite ; mais je dois vous le dire, Olimpia, chaque année, chaque jour, maintenant que je touche à la fin de ma carrière, la rend plus nécessaire, plus impérieuse pour mon âme. Et puis, réfléchissez donc, valétudinaire que je suis, puis-je me passer de soins ? Quels sont ceux qui pourraient me faire oublier les vôtres ? Votre présence seule adoucit mes maux, calme mon âme et me rappelle à la vie... Vous seule avez le don de me faire supporter les ennuis profonds et si fréquents que cause la souveraineté. Il n’y a qu’avec vous que je puis redescendre dignement et avec douceur au rôle d’un particulier. Près de vous, je sens que mon cœur de souverain rentre dans la vie privée. Je me sens frère, je me retrouve ami, parent ; je me dispute, on me résiste ; je doute, je laisse aller mes idées à l’aventure ; enfin je dépouille le souverain et suis moi, Pamphile, le frère de dona Olimpia.

Entraîné par son émotion, le vieillard fit un retour vers des temps bien éloignés. Tantôt il rappelait son séjour à Naples, lorsque, nonce en cette ville, il était entouré de la famille de son frère ; puis il revenait avec plaisir à l’époque