Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/290

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commettre dans les bureaux de la daterie, à propos surtout d’une grâce que le pape avait toujours obstinément refusée ; il a répété que la bulle devait être fausse, qu’il ne fallait pas perdre un seul moment pour s’en assurer, et qu’il allait à l’instant même prendre toutes les informations imaginables à ce sujet. Il alla donc aussitôt chez Brignardel, que monseigneur Cecchini lui avait désigné comme le coupable, et ayant pris l’expéditionnaire avec lui dans son carrosse, il le mena chez don Diego de Sonza, détenteur de la bulle, à qui il la redemanda d’autorité, en menaçant ce seigneur de toute la colère du pape. — Cette action est toute en faveur de Mascambruno. — Hélas ! madame, il y a une circonstance qui en fait juger bien autrement. S’il eût fait arrêter aussitôt Brignardel, rien de mieux ; mais c’est précisément quand il a eu la bulle entre les mains, qu’il a favorisé l’évasion de cet homme. — Mais enfin qu’a-t-il fait de la bulle ? car c’est là le point important. — Le lendemain il est allé avec monseigneur Cecchini la présenter au pape, et dans le rapport qu’il fit à sa sainteté, il s’appliqua à démontrer que la bulle avait non-seulement été expédiée sur une supplique fausse, mais que la signature du pape avait été contrefaite ainsi que la sienne. — Et qu’est-il résulté de là ? — Que sa sainteté, indignée de ce qu’un tel forfait a pu être commis dans les bureaux de la daterie, a ordonné l’arrestation et la mise en jugement des principaux chefs de cette administration : Lorenzi, qui a enregistré la supplique ; Buoncompagni, qui l’a auscultée ; celui qui a écrit la bulle, Corrozzino, scripteur apostolique, et Gofredi, officier des contradettes. Monseigneur Bruningo le réviseur est aussi en prison, ainsi que don Diego de Sonza, solliciteur et agent principal en cette affaire. Enfin, on prétend même que l’assistant jésuite du Portugal a été arrêté, et qu’on lui a donné l’église du Jésus pour prison. Toutes ces dispositions ont été prises sur les avis de Mascambruno, qui, après avoir répété plusieurs fois et avec une vivacité extraordinaire qu’il ne prendrait pas de repos que les coupables d’un pareil crime ne fussent punis, a proposé de les faire examiner par son ami le juge Rugolo. Voilà, madame, où les choses en étaient ce soir. Jamais af-