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parvenait, comme il y était bien résolu, à faire connaître la vérité sans leur assistance.

Quoique Pancirole et le jeune Astalli ne fussent pas des vertus inébranlables, le bon dominait chez eux, et malgré toutes les inquiétudes que leur donna le hardi projet de Vaultrin, ils consentirent enfin à parler de lui au pape et à lui ménager même une audience.

Le jour qu’elle eut lieu, le plus calme des quatre fut Joachim Vaultrin. Ce brave homme, qui n’avait jamais approché des appartements du pape, était si préoccupée de son idée, si sûr de faire triompher la vérité, qu’il s’avança avec une assurance candide dont le pape et les cardinaux ne purent s’empêcher d’être frappés. Vaultrin posa une énorme liasse à terre, s’agenouilla trois fois devant le pontife, et reprenant son poste auprès de ses papiers, attendit en silence qu’on l’interrogeât. « Qu’avez-vous à nous dire, Vaultrin ? lui demanda le pontife avec gravité. — Des choses importantes pour vous, saint-père, et qui ne le sont pas moins pour des hommes injustement accusés. — Avez-vous bien réfléchi à l’importance de votre démarche ? et savez-vous que si vous vous trompiez, il y va de la vie pour vous ? — Je le sais, saint-père, répondit respectueusement Vaultrin en mettant un genou en terre ; puis se relevant, il regarda Pancirole, auquel il sembla demander s’il était temps qu’il se mît en devoir de donner les renseignements que l’on attendait de lui. Sur un signe du ministre, Joachim Vaultrin délia ses papiers et les disposa à terre dans un certain ordre qui lui permît de trouver à l’instant ceux dont il aurait besoin. Puis, s’adressant au pape : « Je prierai humblement sa sainteté, dit-il, de me permettre de rappeler sommairement avant tout les formalités que l’on observe à la daterie, au sujet des suppliques en grâce que votre main sacrée doit signer. Les suppliques et les grâces se font sur une demi-feuille de papier, sur laquelle, après l’objet et les détails de la demande et le nom du requérant, on laisse un vide de trois doigts pour la signature du pape. Tout au bas de la feuille, le sous-dataire ou ses expéditionnaires de confiance mettent le sommaire de la grâce en une ligne ou deux, pour épargner au pape la