Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/297

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lui présente ? Innocent les lut successivement, et à l’occasion de chacune il s’écria : « Mais c’est une fausseté abominable. Je n’ai jamais prétendu accorder ces grâces, et les quatre demandeurs sont au contraire des hommes qui ont encouru mon animadversion. Je n’ai pas signé cela... c’est une insigne fourberie. — Que sa sainteté, ajouta Vaultrin, veuille bien considérer sa signature... la reconnaît-elle pour sienne ? — Certainement. Mais il y a des fripons si adroits pour contrefaire les signatures ! — Celle-ci n’est pas contrefaite, pas plus que celle de monseigneur Mascambruno, qui l’accompagne. Tenez, saint-père, comparez-les avec celles-ci, qui ont été données avant-hier ; elles sont parfaitement semblables. » Et en disant ces mots, Vaultrin faisait passer à Pancirole et au cardinal neveu les suppliques fausses que le pape avait déjà vues. Innocent était fort agité ; il jetait successivement les yeux sur ses différentes signatures avec un air de mauvaise humeur qui parut augmenter jusqu’au moment où, se tournant avec vivacité vers Vaultrin, il lui dit : « Eh bien, en fin de compte, qu’est-ce que cela prouve, si ce n’est que ma signature et celle de Mascambruno ont été contrefaites ? Il faut chercher le faussaire ! »

Malgré le ton tant soit peu dur avec lequel Innocent lança cette réflexion, Vaultrin, dont l’assurance était encore augmentée depuis la première explication qu’il avait donnée, alla prendre de nouveaux papiers de sa liasse, qu’il joignit aux autres sur la table du pape. « Voyez ces pièces, saint-père, dit-il, et suivez bien les observations que nous allons y faire. Remarquez-vous qu’à celle-ci le sommaire, au lieu d’être sur la même page, se trouve ajouté sur une bande de papier collée avec des pains à cacheter ? — Oui, en vérité. — Lisez maintenant le corps de la supplique. — Eh quoi ! s’écria le pape en colère, l’abbaye de Xola au marquis de Talpino ! Je n’ai point signé cette grâce ! Je me suis toujours refusé à l’accorder. — Voyez maintenant la signature ; est-ce bien la vôtre ? — Oui. — Et celle de monseigneur de Mascambruno ? —Également. — Eh bien, saint-père, voilà comme avec votre main et celle du sous-dataire on faisait de fausses suppliques. On vous présentait un som-