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maire que vous croyiez devoir signer, et on en substituait une autre pour une grâce que vous ne vouliez pas accorder. — Comment, Vaultrin, vous êtes bien sûr... — Attendez, saint-père, dit le réviseur en allant prendre une nouvelle supplique ; voyez celle-ci, dont le faux sommaire a été coupé avec tant de négligence, que les traces de récriture de la première ligne paraissent à la jointure du papier ajouté ! »

L’étonnement du pape parut extrême, et il regarda fixement Pancirole et Astalli sans qu’aucun des trois pût proférer une parole.

Quant à Vaultrin, il était si préoccupé de son atfaire qu’il ne faisait pas même attention à lui. Avec le soin d’un homme de bureau, il releva soigneusement, et dans leur ordre, les suppliques qu’il avait montrées à Innocent, et après en avoir pris d’autres encore, il dit en les tenant à la main : « En ma qualité de premier réviseur, je vis passer tant de suppliques pour demander des grâces que tout le monde savait contre les intentions de votre sainteté, que je finis par surprendre le secret de ces sommaires volants, et monseigneur Cecchini défendit expressément que l’on en fît en usage. — Ah ! c’est Cecchini qui a pris cette mesure ? demanda le pape avec étonnement. — Oui, saint-père ; mais ceux qui avaient usé de cet artifice ne tardèrent pas à en trouver un autre. Ils se servirent d’un certain papier, dit français ici à Rome, dont le format est beaucoup plus long que le nôtre. On écrivit le sommaire tout au bas de la page, laissant, entre lui et la signature de votre sainteté, un large blanc sur lequel on inscrivait après un sommaire nouveau en rapport avec la nouvelle supplique, puis on coupait le bas de la page où était le sommaire que vous aviez lu. — Mais c’est une œuvre du démon que tout cela ! s’écria le pape furieux de colère. — Permettez, saint-père, ajouta Joachim Vaultrin, dont l’activité et le sang-froid semblaient augmenter à mesure que le pontife se montrait plus agité ; permettez que je vous donne la preuve de ce que j’avance. Voilà l’une de ces suppliques à laquelle vous avez le plus obstinément refusé de faire droit : celle du prélat Ricci, pour l’abbaye de Barberino. Vous devez