Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/299

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vous en souvenir ? — Comment ! ce mauvais sujet a eu ce bénéfice ? — Sans doute, saint-père, puisque la supplique porte votre signature... et celle de monseigneur Mascambruno. — Mais c’est une fausseté abominable ! — C’est précisément ce que je m’efforce de vous prouver, saint-père. » Tout en parlant ainsi, Vaultrin plaça la supplique entre les yeux du pape et le jour, de manière à rendre le papier transparent. « Votre sainteté voit-elle, demanda l’intègre réviseur, que les deux fleurs de lis placées aux angles supérieurs de la feuille ne se retrouvent point en bas ? — Oui ; mais est-il certain qu’il s’y en trouvât ? — Tenez, saint-père, voilà une feuille blanche du même papier où ces marques peuvent se voir. Mais en outre, observez sur cette feuille neuve l’écu de France qui occupe le centre du papier, tandis que, sur celui de la supplique dont le bas a été coupé, les armes sont au tiers inférieur de la feuille ; et enfin, voyez s’il n’est pas évident que le bas a été coupé avec des ciseaux. »

Cette démonstration faite, Vaultrin donna une supplique et une feuille entière à chacun des cardinaux, et se mit à considérer avec satisfaction ces trois hommes importants, qui tenaient les yeux fixés sur ces feuilles placées à contre-jour, et ne dissimulant plus la conviction que le réviseur avait apportée dans leur esprit.

Le pape, Pancirole et le cardinal neveu remirent silencieusement les feuilles à Vaultrin, qui, avec son imperturbable tranquillité, les replaça dans leur ordre, en reprit une nouvelle et revint pour achever sa déposition.

« La supplique relative à l’affaire des Portugais, ajouta Vaultrin, a été surprise par ces infâmes moyens. La voici, saint-père, examinez-la et jugez. » Innocent prit la feuille, lut les signatures, l’opposa au jour, et la laissant tomber sur la table, dit d’une voix sourde : « C’est vrai ; Mascambruno est un misérable ! »

Comme Vaultrin s’approchait pour reprendre cette pièce, son attention se porta par hasard sur l’écritoire du pape ; les assistants remarquèrent l’étonnement que le réviseur éprouva tout à coup. — Qu’avez-vous ? lui demanda le cardinal neveu. — J’ajoute, répondit-il, une preuve nouvelle à