Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/305

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

justes, et lorsque les pétitionnaires se recommandaient par leurs vertus et leurs talents, ce qui limitait singulièrement le nombre de ses recommandations. Généreuse et riche, exempte du mal d’avarice, la peste de ce siècle, cette jeune femme, loin de rançonner ceux qu’elle obligeait, ajoutait souvent un don à la faveur qu’elle avait obtenue pour eux. Au milieu d’un monde aussi corrompu que celui dans lequel elle vivait, cette conduite donnait plus d’inquiétude que d’espoir à la foule rapace des postulants, qui, n’ayant pas droit à ce qu’on leur fît justice, prétendaient par cela même acheter les faveurs.

Ces vertus enfantines de la princesse, comme les qualifiait dona Olimpia, avaient tout aussitôt donné à cette femme si profondément versée dans l’intrigue, la mesure des talents de sa jeune rivale, capable de faire un coup de tête brillant, sans doute, mais inhabile à la connaissance des hommes et des choses de son temps.

Si la princesse eût été un homme, dona Olimpia l’aurait méprisé tout simplement. Mais la nièce d’Innocent était femme, jeune, belle, séduisante et pleine de ressources dans la conversation ; aussi habituellement dona Olimpia ne pouvait-elle dissimuler la jalousie féminine que ces avantages lui inspiraient. Plus d’une fois même, oubliant les égards qu’elle devait à la femme de son fils, dona Olimpia, en parlant de dom Camille et de la princesse de Rossano, se laissa aller à répandre des calomnies que leur invraisemblance rendit cependant toujours vaines. Des bruits étranges avaient été répandus sur l’incapacité conjugale de dom Camille à l’époque où il quitta le chapeau pour se marier, et bien que plusieurs enfants eussent été le fruit de l’union qu’il contracta, les mauvaises plaisanteries n’en continuèrent pas moins de poursuivre le jeune Pamphile.

Depuis le départ brusque de la princesse de Rossano, lorsqu’elle quitta Frascati pour faire son entrée folle à Rome, dom Camille avait conservé du dépit contre elle, à cause de sa désobéissance. Ce petit ressentiment, irrité fréquemment par les plaisanteries qui couraient dans la ville, s’aigrit peu à peu dans le cœur du jeune époux. Devenu moins sensible