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d’ailleurs aux agréments de sa femme, comme cela n’arrive que trop souvent aux maris heureux, il forma des liaisons qui donnèrent lieu à des reproches de la part de la princesse, et finirent par jeter du froid dans l’union des deux époux. Les temps de l’exil, pendant lesquels une tendresse mutuelle leur avait fait couler de si heureux jours, étaient passés ; et tous deux ramenés au milieu du tourbillon des intrigues de la cour, cherchaient à remplir par les préoccupations continuelles de l’esprit le vide qui régnait dans leur cœur.

Dom Camille était successivement rentré dans les bonnes grâces d’Innocent, et quoique sa capacité ne permît pas qu’on lui confiât la direction d’affaires importantes, le pape lui avait donné le titre honorifique de généralissime de ses troupes ; il le voyait avec plaisir, et se servait volontiers de lui pour communiquer avec les ambassadeurs, tout en comptant beaucoup plus en ces occasions sur les effets de la bonne grâce et de la politesse de son neveu, que sur son habileté en diplomatie. C’était un beau mannequin de cour, inférieur à Astalli, qui lui-même ne parut valoir quelque chose que tant qu’il resta un souffle à Pancirole pour lui dicter ce qu’il devait faire.

Cette faveur, du reste, dom Camille la devait sans aucun doute à sa femme, pour laquelle Innocent avait un goût très-prononcé. Ce vieillard, tout pape qu’il fût, avait contracté l’habitude, et c’était un grand tort, sans doute, d’être entouré de soins féminins. Ses infirmités, qui avaient commencé de bonne heure, et s’étaient toujours accrues avec l’âge, avaient rendu mille petites précautions journalières indispensables pour lui ; et les constantes attentions de dona Olimpia, depuis un grand nombre d’années, étaient devenues cause du besoin impérieux qu’Innocent ressentait d’être assisté, consolé, servi même par une femme de sa famille. Depuis que sa belle-sœur avait été obligée de se retirer de la cour, la jeune nièce, devenue héritière d’une partie de ses fonctions domestiques, adoucissait les fréquentes souffrances de son oncle par le charme d’une conversation naturellement brillante, et à laquelle les nombreuses relations que la princesse entretenait dans Rome donnaient souvent un intérêt vif ou