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une importance grave. Depuis la retraite de dona Olimpia, les neveux et nièces d’Innocent étaient logés au Vatican. Dom Camille, les princes de Piombino et Justiniani, avec leurs femmes, occupaient divers appartements de ce palais, en sorte que le pontife, grâce à ce voisinage et aux soins que prenait la princesse de Rossano d’entourer Innocent de sa famille, lui faisait goûter sur son foyer privé un repos d’autant plus doux qu’il était nouveau pour lui.

Cette jeune femme avait le don de plaire à tous ceux qui l’approchaient. Sa vertu, qui fut toujours inébranlable, les chagrins que lui causaient la conduite légère de son mari, et le soin qu’elle mettait à entretenir l’union dans sa famille, lui attiraient tous les cœurs. Quant à son ambition, car à l’époque de sa fameuse entrée à Rome tout le monde, et elle-même, avait cru qu’elle était dévorée de cette passion, elle se bornait au désir de jouir des privilèges qui appartenaient à son rang et à user de la faveur et du pouvoir qu’on lui accorderait pour rendre des services aux gens qu’elle estimait, pour aider les personnes de mérite qui se trouveraient sans appui, et user de ses grands biens pour répandre des largesses et des bienfaits. Complètement étrangère d’ailleurs, par la tournure et les habitudes de son esprit, à tout ce qui ressemblait à une intrigue politique, la princesse de Rossano n’était en réalité qu’une ambitieuse romanesque qui rêvait le bien et ne se doutait pas même du mal.

Quoiqu’elle jouît alors d’une grande faveur auprès du pape, et que par cette position elle eût acquis de l’importance et une certaine autorité à Rome, dona Olimpia ne la redoutait pas comme rivale en pouvoir. Une longue expérience avait fait établir en principe par la belle-sœur d’Innocent, qu’en faisant justice et en récompensant les vertus et le mérite, on excite, il est vrai, la bienveillance et parfois l’admiration ; mais que ces avantages sont stériles dans la pratique des affaires, et que les créatures que l’on a su se faire par des faveurs souvent monstrueuses, sont celles sur l’énergie et la fidélité desquelles on peut vraiment compter dans les occasions importantes. La discrétion de Mascambruno jusque sous la hache du bourreau avait persuadé à cette femme