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que des complices sont toujours plus sûrs que des amis.

Elle attachait donc peu d’importance à l’influence passagère que la princesse exerçait en ce moment dans le monde politique ; et quoique son cœur de femme ne supportât pas aussi patiemment les prévenances et la faveur dont le pontife entourait journellement sa jeune et belle rivale, cependant, toujours dominée par son insatiable amour du pouvoir, seule dans son palais, et réprimant par la réflexion les élans de ses transports jaloux, dona Olimpia amenait peu à peu son esprit à soumettre son cœur, dans le dessein de faire tourner bientôt au profit de son ambition ce qui lui causait de si vifs chagrins en ce moment.

Aussi tandis qu’au Vatican le pontife, par les soins de la princesse de Rossano, goûtait toutes les douceurs de la vie de famille, dona Olimpia, dans sa solitude, jetait sur cette base, frêle en apparence, le fondement des projets au moyen desquels elle espérait conserver et augmenter, s’il était possible, la grandeur et l’importance de la maison Pamphile, dont elle se regardait avec raison comme le plus ferme appui. Se dégageant avec une rare force d’âme des affections personnelles qui auraient pu la faire dévier du but qu’elle se proposait d’atteindre, elle donnait toujours pour pâture à son esprit ce qu’elle redoutait le plus, mais ce qui était inévitable, la mort d’Innocent X.

Là était pour elle toute la question de son existence et de celle de sa famille. Entre la mort de son beau-frère et l’élévation de son successeur s’ouvrait un abîme où il fallait être englouti si l’on ne trouvait pas le moyen de le franchir, et c’est ce dernier effort qu’elle voulait tenter.

Depuis longtemps elle s’affligeait intérieurement des dissensions qui avaient désunis tous les membres de sa famille, et se sentant peu propre à prendre les soins minutieux qu’aurait exigés la conciliation d’esprits si différents et dont le plus grand nombre manquait de netteté et de grandeur, malgré la jalousie naturelle qu’elle portait à la princesse de Rossano, dona Olimpia pardonna à sa belle-fille l’usurpation de sa place auprès du pape, en faveur des heureuses tentatives qu’elle avait faites pour ramener la paix entre les siens ; car cette