Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/321

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sottise. Croiriez-vous que sa sainteté ne m’a pas fait venir une seule fois chez elle, depuis ce moment-là ? N’est-ce pas mal à mon frère ? Je ne connais plus personne auprès de lui. Depuis qu’il s’est embarrassé d’Astalli, ce petit fat de neveu postiche, et qu’il a près de lui monseigneur Fabio Chigi, sérieux comme une porte de prison, je ne puis plus l’aborder. Cela me fait de la peine, et c’est injuste, car j’aime sa sainteté de tout mon cœur. Je n’espérais qu’en la petite princesse de Rossano ; mais, bast ! entre nous soit dit, c’est une bonne petite personne, mais une tête sans cervelle, qui a dépensé dans la soirée où elle est rentrée à Rome contre votre gré, toute l’énergie dont elle était susceptible. La pauvre enfant ne sait ni ce qu’elle veut ni ce qu’elle fait ; bonne peut-être pour adoucir les moments de loisir du pape, mais inhabile, complètement inhabile aux affaires... Il serait bon de la surveiller en ce moment, ajouta la vieille en baissant la voix et s’approchant de l’oreille de dona Olimpia : on parle d’une promotion prochaine. — En êtes-vous certaine ? demanda la princesse avec précipitation. — Je n’ose vous l’affirmer, mais j’en ai entendu murmurer quelques mots, et monseigneur Azzolini, que j’ai vu hier, a été jusqu’à m’engager à venir vous en prévenir aujourd’hui, avant qu’il pût vous en parler plus certainement lui-même. — Désigne-t-on les prélats qui pourraient être nommés ? — On en porte le nombre à dix, et je n’ai retenu les noms que de quelques-uns. — Eh bien, quels sont-ils ? demanda dona Olimpia avec anxiété. — On parle d’abord de monseigneur Fabio Chigi. — Puis ? — De Baccio Aldobrandini, le cousin de la princesse de Rossano, car la bonne petite femme n’oublie pas les siens ; mais cela nous est égal, parce qu’il fera corps avec la famille... Attendez, on cite encore Frédérick. —Le landgrave de Hesse. — Puis Pimentel de Ségovie. — Oui, ces deux-là sont pour satisfaire l’Allemagne et la cour de l’Escurial ; et après ? — Ah ! il est fort question de François de Gondi. — Eh quoi ! dit dona Olimpia avec humeur, cet extravagant de Retz ? Et qui donc le porte et le soutient ? — La princesse de Rossano, chère madame, la princesse de Rossano. Quand je vous disais qu’il serait bon de savoir au juste ce qu’elle fait au Vatican !