Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/322

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’est chez elle que se machinent les préparatifs de cette promotion prochaine. »

Pendant que la vieille fit suivre ces renseignements d’un flux de paroles inutiles, dona Olimpia resta pensive jusqu’au moment où, arrêtant tout à coup sœur Agathe : « Il ne faut pas que les choses soient plus longtemps gouvernées ainsi à l’aventure, lui dit-elle. — Vous avez raison, interrompit la religieuse en frappant vivement sa canne contre terre, et il faut mettre ordre à tout cela dès aujourd’hui. » Puis continuant sur le même ton, sans laisser à la princesse le loisir de placer un mot : « Il faut, Olimpia, que vous alliez dès aujourd’hui chez le pape... — Mais pensez donc... — Je ne m’arrête à rien, si ce n’est à ce que le pape vous revoie, vous écoute, prenne vos conseils ; et c’est moi qui vous conduirai chez lui ! »

En parlant ainsi, la vieille religieuse montrait une résolution si ferme, que dona Olimpia parut céder, dans l’espérance que la réflexion apporterait quelque modification à ce projet. Mais dona Agathe, au contraire, se montra de plus en plus obstinée, au point de faire passer la confiance de son pouvoir dans l’âme d’Olimpia.

En effet, un carrosse ne tarda pas à transporter les deux dames au Vatican, où, sans prévenir et en plein jour, dona Agathe passa avec dona Olimpia entre deux haies de serviteurs, puis de courtisans et de prélats, jusque dans la chambre du pape.

Dona Agathe ne laissa pas à Innocent le temps de témoigner s’il était satisfait ou irrité de cette irruption subite : « Frère, lui dit-elle, après avoir fait les salutations d’usage aussi précipitamment que son âge le lui permettait, nous venons pour vous baiser les pieds, pour vous voir, parce qu’il ne nous est plus possible de demeurer ainsi loin de vous... Nous vous aimons, frère, ajouta-t-elle avec une émotion qui ajouta de la force à sa voix, et nous voulons être, comme les autres, quelquefois près de vous. »

Le pape, en s’avançant pour relever sa sœur demeurée à genoux, porta son regard vers dona Olimpia. Elle était debout, immobile, à quelque distance, attendant avec une mo-