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destie pleine de dignité quel serait l’effet de sa présence sur l’esprit du pape.

Il manquait à Innocent X les grandes qualités qui doivent distinguer un vrai pontife. L’homme l’emportait en lui sur le souverain ; aussi ne put-il en cette occasion résister à l’émotion que lui causa l’apparition subite de dona Olimpia. « Approchez, approchez, lui dit-il d’une voix altérée ; puisque ma chère sœur Agathe m’assure que vous désirez nous voir... approchez. »

Chacun prit place sur un siége, et pendant assez longtemps les trois parents n’échangèrent que des paroles affectueuses. L’instinct avertit sœur Agathe qu’il lui appartenait de justifier une entrevue si inconsidérément provoquée. Mais, rassurée par la satisfaction que son frère ne pouvait contenir en leur présence, elle se confia en sa franchise accoutumée, et dit au pape que c’était elle qui avait forcé en quelque sorte Olimpia de venir, et que si cette démarche lui déplaisait, c’était sur elle seule que devait tomber sa mauvaise humeur. « Il est temps, frère, ajouta-t-elle, que toutes les causes de désunion dans notre famille soient anéanties. Et si quelqu’un peut raffermir les liens qui doivent nous resserrer tous, c’est, n’en doutez pas, cette chère princesse de Saint-Martin. »

En revoyant sa belle-sœur, le pape s’était senti si vivement ému qu’il n’avait pas fait attention à la différence de rôle que jouait la religieuse, en ramenant près de lui une personne qu’elle l’avait engagé à chasser de son palais autrefois. Mais outre l’habitude que l’on a dans les cours de ces revirements subits de haine ou d’estime, Innocent était tellement satisfait au fond de l’âme de voir finir un exil déjà si long pour lui, qu’il ne se sentit pas la force de se montrer difficile à propos de l’accident qui y mettait si brusquement un terme. Loin de là, il sut bon gré à sœur Agathe de sa démarche, et fit comprendre à dona Olimpia, plus encore par son expression que par ses paroles, la joie profonde qu’il éprouvait de la revoir. « J’ai plusieurs affaires importantes à terminer ce matin, dit-il à sa belle-sœur ; mais je compte bien vous revoir dans la soirée. Je veux que vous vous retrouviez