Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/329

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Innocent se sentit tout estomaqué de cette réflexion, que l’enfant ne faisait évidemment que répéter. — Qui est-ce qui t’a dit cela, don Juan ? demanda le pape en adoucissant vainement sa voix pour dissimuler son émotion ; dis-le-moi. — Personne, répondit aussitôt le petit, qui s’était bien aperçu de l’indiscrétion qu’il venait de commettre. — Allons, mon enfant, sois bien sage, bien aimable et bien sincère ; qui t’a dit cela ? — Personne. — Écoute-moi, dit le pape, en attirant don Juan à lui, tu sais quel péché c’est que de mentir ? Ainsi sois vrai. Qui t’a dit cela ? — Personne. —Personne ! personne !... Je vous dis, moi, que vous tenez cela de quelqu’un, et je vous ordonne de me dire qui. Allons, parlez ! — Je ne sais pas. » Innocent sentit sa colère s’allumer ; mais faisant effort sur lui-même, il chercha à vaincre l’obstination de son petit-neveu en le prenant encore par la douceur. « Si tu voulais me répondre, lui dit-il, tu n’aurais pas à t’en repentir. Tu connais bien ce tiroir là-bas ? tu sais qu’il contient des bonbons et toutes sortes de jolies choses ? Avance par ici, nous allons le visiter. » Ils s’approchèrent en effet du meuble à compartiments que le pape ouvrit. C’était là où il serrait ses menus bijoux, parmi lesquels se trouvait la croix d’or donnée par Philippe IV, et convoitée par la princesse de Rossano. Don Juan ne manqua pas d’étendre sa main vers elle sitôt qu’il la vit ; mais le pape l’arrêta en lui disant qu’il la lui laisserait voir et même toucher, dès l’instant qu’il lui aurait obéi. — En attendant, ajouta l’oncle à son neveu, mangeons des bonbons. Tenez, don Juan, voilà des dragées que vous trouviez très-bonnes il y a peu de jours ; goûtez-les de nouveau pour vous assurer qu’elles ne sont point gâtées. Eh bien, qu’en dites-vous ? — Elles sont bonnes. — Je savais bien que nous resterions bons amis ; tiens, cher petit, prends encore ce fruit confit. Que t’en semble ? — C’est bon. — Allons, mon cher petit don Juan, c’est une affaire arrangée maintenant, et tu vas m’avouer ce que je te demande... Qui t’a dit cela, hein ?... Voyons parle ; qui t’a dit cela ? Mais l’enfant resta muet. — Parle donc, répéta Innocent, dont la patience commençait à s’épuiser. Don Juan ne desserra pas les dents. — Ah ! tu t’obstines à ne rien dire, petit drôle ! Veux-tu bien