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déplaira sans doute à sa majesté catholique. Mais, ajouta dona Olimpia, j’ai à vous demander une faveur de la même nature. — À moi, madame ? Vous badinez, je pense. — Point du tout. Je sais combien le saint-père a à se louer des conseils que vous lui donnez journellement, et toute la confiance qu’il met justement en vous. Ne soyez donc pas étonnée de ce que j’ai recours à votre aide. Trop longtemps de petits dissentiments ont relâché les liens qui doivent ne faire de toutes nos familles qu’une seule. Il faut nous serrer, ma chère, nous unir, nous confondre, et que chacun de nous, selon ce qu’il peut, concoure à donner de l’éclat et de la puissance à la famille. C’est à ce titre, ma chère Cornélia, que je vous appelle en aide. J’ai aussi quelqu’un à qui je voudrais voir conférer la pourpre, et je vous prie de le bien soutenir dans l’esprit du pape... Quand il en sera temps, ajouta la princesse de Saint-Martin, qui lisait dans les yeux de sa belle-fille qu’elle allait lui demander le nom de son candidat, je vous dirai de quoi il s’agit.

Durant ce court entretien, où dona Olimpia montra tout à la fois la confiance qu’elle voulait mettre dans les siens, et l’étendue du pouvoir qu’elle avait repris à la cour, le petit don Juan n’avait pas cessé de construire des châteaux de toutes les formes, et d’agacer le pontife, en revenant sans cesse sur l’église imparfaite de Sainte-Agnèse. Les Justiniani et les Ludovisi, qui ne soupçonnaient pas la malice de leur jeune neveu, s’amusaient de toutes ses impertinences, tandis que le pape en souffrait toujours plus. Enfin Innocent, impatient de se sentir sous la puissance de ce petit vaurien qu’il avait eu la faiblesse de frapper, résolut tout à coup de s’y soustraire. Bien qu’il lui en coûtât, il se prépara à un sacrifice qu’il ne faisait pas souvent, car il n’était rien moins que prodigue, et s’étant approché du meuble où il renfermait ses bijoux : « Ce jour, dit-il après l’avoir ouvert, a été heureux pour toute la famille ; je veux en consacrer le souvenir. Tenez, chère petite Olimpia, prenez cette bague ; vous, princesse Ludovisi, gardez ce bijou ; il renferme un morceau de la croix de Notre-Seigneur. Je donne cette perle qui a la forme du Saint-Esprit à la princesse Justiniani. » Puis s’a-