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dressant à dona Olimpia : « J’ai cru m’apercevoir, chère sœur, lui dit-il, qu’il manque au milieu du collier que vous portez un diamant plus gros que les autres ; faites-y joindre celui-ci. Quant à vous, princesse de Rossano, on dira que vous me faites manquer à ma parole, puisque je vous donne ma croix d’Espagne que j’avais promis de garder. Mais enfin, puisque nous voilà tous réunis de cœur et d’âme, n’est-ce pas, mes enfants ? ajouta le pape en regardant don Juan, ce bijou précieux ne sortira pas de la famille ; prenez-le, ma nièce. »

La princesse le reçut en montrant autant de modestie que de satisfaction, et don Juan, devenant rouge de joie, se jeta à genoux devant son oncle, dont il baisa les pieds. Tout le monde était ému, mais plus particulièrement le pontife et son petit-neveu, qui s’avouaient et se pardonnaient mutuellement leurs fautes, dans le secret de leur cœur.

On était à peine remis de l’effet de cette scène, lorsqu’on annonça le cardinal Antoine Barberin. Prévenu par dona Olimpia, il s’était revêtu de sa pourpre, et portait le cordon bleu, auquel était suspendue la croix de l’ordre du Saint-Esprit. Après avoir salué le pape et les dames, il fit à Olimpia Justiniani une révérence non moins profonde, qui attira l’attention de chacun sur la jeune personne, et fit naître en elle un mélange de curiosité et d’embarras. Le cardinal fit ses politesses aux hommes ; et bientôt les serviteurs du pape vinrent offrir des rafraîchissements, des bonbons et des fruits confits. Pendant cette petite collation, qui indiquait la fin de la première soirée, tous ceux qui devaient bientôt se retirer se tinrent debout et dans une certaine confusion, tandis que le pape, près duquel dona Olimpia et le cardinal s’étaient assis, restaient muets et immobiles en attendant que le reste des assistants les laissât libres.

L’attitude de ces trois personnages fit sentir aux autres qu’il y avait convenance à leur céder promptement la place. Tous prirent bientôt congé du pape, la princesse de Rossano aussi gaiement que les autres, pauvre ambitieuse, ne faisant pas attention que dona Olimpia reprenait définitivement sa place, tant elle se sentait joyeuse d’emporter la croix d’Espagne qu’elle avait désirée si longtemps !