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La modération et la justesse de ces observations étaient telles, que les assistants restèrent plongés dans un silence embarrassant dès que le pontife eut cessé de parler. Dona Olimpia commençait même à regretter de n’avoir pas laissé Innocent se livrer à l’inattendu ordinaire de ses idées, réfléchissant que dans le cours d’une discussion sans ordre on aurait pu saisir quelque chance favorable de revenir hardiment à la question principale.

Le cardinal Antoine était réellement mortifié ; et quoiqu’il fît aussi bonne contenance qu’il lui était possible, il maudissait de bon cœur l’imprudente conduite de dona Olimpia.

Le seul qui conserva toute sa présence d’esprit fut Azzolini. Frappé du danger que pourrait avoir cette position si elle se prolongeait, il rassembla toutes les ressources de son esprit pour tirer les trois personnages d’embarras. « Sa sainteté, dit-il avec le sourire sur les lèvres, me permettrait-elle de lui soumettre une observation ? »

Ces mots produisirent sur l’assemblée l’effet d’un coin de ciel bleu qui apparaît tout à coup pendant l’orage. « Eh ! sans aucun doute, mon cher Azzolini, dit aussitôt le pape ; parlez ! parlez ! nous vous entendrons tous avec plaisir. » Et en effet, le pontife, sa belle-sœur et Antoine, déridant leurs fronts, se tournèrent vers le jeune prélat pour l’écouter.

« Votre sainteté, dit Azzolini, a prouvé tout à l’heure non-seulement combien elle est bonne, mais à quel point elle se fait honneur de pratiquer l’humilité. Mais si je ne m’abuse, notre saint-père, en cherchant à concilier si exactement les mouvements de son cœur avec ses devoirs de souverain, risquerait peut-être d’en atténuer souvent, et parfois d’on détruire complètement les heureux résultats. Le successeur de saint Pierre doit souvent ne prendre conseil que d’en haut, et dans l’occasion présente ce serait sans doute le cas. Tel est au moins l’avis que je soumets humblement. Mais, a dit sa sainteté, pour le monde, pour lier les langues intempérantes, il faudrait au moins... un prétexte !... Ici, saint-père, j’oserai dire qu’un prétexte ne serait pas suffisant ; il faut une raison, une bonne raison ; et vous l’avez... »

À ces paroles, la satisfaction et la curiosité furent excitées