Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/373

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aucune inquiétude. — Eh bien, dit le pape en souriant avec malice et honte tout à la fois, c’est fait ! — C’est fait ? s’écria dona Olimpia, qui ne retint qu’avec peine son émotion. — Oui, ajouta Innocent d’un air humble ; mais cependant si vous le trouvez bon, chère sœur. »

Ces dernières paroles remirent du calme dans l’esprit de dona Olimpia. « Vous savez, dit-elle, que j’accède aveuglément à tout ce qui peut élever votre gloire, à tout ce qui contribue à assurer votre satisfaction et votre repos. Vous avez raison ; léguez une somme pour Sainte-Agnèse. Et quelle est celle que vous destinez ? — Eh ?... un... un million, répondit Innocent en hésitant ; trouvez-vous que ce soit trop ? — Pour terminer l’église ? Oh ! non... Je m’attends bien, si vos neveux se trouvaient forcés d’achever votre ouvrage, à ce qu’il leur en coûterait beaucoup plus ; et je vous dirai même que j’ai très-précisément prévenu toute la famille sur cette dépense inévitable : ils s’y attendent. — Quelle noble prévoyance, chère sœur ! — Je n’ai accompli qu’un devoir, mon frère ; et si je pouvais éprouver quelque regret à l’occasion du parti que vous avez pris de léguer un million, il me serait inspiré d’un côté par le chagrin que nous aurons tous de voir des indifférents chargés de terminer un édifice que vous avez commencé, et de l’autre par la crainte que ce million ne soit pas suffisant pour le parfaire avec tous les embellissements qu’il exige ; ou enfin, que ce million soit employé à toute autre chose. »

Innocent porta plusieurs fois la main à son front, en témoignant de la mauvaise humeur contre lui-même. « Je ne fais que des sottises quand je ne vous consulte pas, ma bonne sœur. — Allons, allons, ne vous tourmentez pas ainsi ; vous vous ferez mal ! c’est une affaire terminée ; n’y pensons plus. — Mais je veux y penser. S’il y avait moyen de réparer cette faute ! — Vous avez donc promis ? — En l’air ; mais enfin j’ai promis. — À qui ? — À l’Algardi et à Borromini. Ces artistes sont des gens terribles ; l’un m’énumérait toutes les statues et les tableaux qu’il y aurait à faire ; l’autre, en me décrivant sa coupole, me la montrait terminée ; si bien que je les ai engagés à pousser vivement les travaux, et pour les y encou-