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repassa dans son esprit tout ce qu’elle avait fait, pour méditer sur ce qu’elle avait à faire.

Pendant la dernière promotion, elle avait tiré évidemment tout le parti possible de ce qui restait encore de volonté et d’intelligence au pontife ; mais cette ressource était épuisée.

Cependant Innocent vivait. Le pontife respirait encore ; à son souffle était attachée la souveraine puissance. Or, c’était ce souffle que dona Olimpia voulait entretenir aussi longtemps qu’il se pourrait ; pour elle, c’était le pouvoir, c’était la vie. Mais combien durerait-il encore ? C’est ce qu’il importait de savoir.

Innocent n’aimait pas les médecins ; et depuis son règne ce n’avait été qu’avec peine que sa belle-sœur avait pu obtenir de lui qu’il en laissât assister à ses repas, selon l’étiquette de la cour pontificale. À un certain Carlo Gomez, docteur espagnol, avait succédé J. J. Baldini, qui, largement récompensé d’abord d’avoir guéri le pape d’une dysentrie, disait-on, en lui faisant prendre de la poudre de corail, fut mis à la porte quelque temps après, pour s’être opposé avec beaucoup de raison à ce qu’Innocent fît un voyage à Viterbe, où il voulait aller rejoindre dona Olimpia, qui y était allée passer quelques jours. À Baldini succéda Mattéo Parisio, praticien habile, homme de sens, qui, sachant qu’il n’était pas plus possible de guérir les infirmités du pape que les travers de son esprit, mettait tous ses soins à calmer des douleurs dont rien ne pouvait détruire la cause chez un vieillard de quatre-vingt-deux ans. Parisio plaisait donc au pape, parce qu’il ne le fatiguait pas de médicaments, et il était dans les bonnes grâces de dona Olimpia, à qui il recommandait toujours de sauver à son beau-frère toute émotion forte, toute préoccupation d’esprit : « Qu’il s’abstienne surtout des affaires, » répétait en toute sûreté de conscience l’adroit médecin, qui, en tenant ce langage, était certain de donner un conseil tout à la fois salutaire à son malade et très-agréable à celle qui en prenait soin.

Dona Olimpia conçut l’idée de consulter Parisio, pour tâcher d’apprendre sur combien de temps d’existence du pape elle pouvait encore compter : « Comment le trouvez-vous ?